mardi 16 septembre 2008

Méthodologie : la dissertation

1. Le paradoxe du sujet et sa problématique.

• Le paradoxe du sujet : face à un sujet de philosophie, vous devez identifier la tension interne dont le sujet est porteur, c’est-à-dire ce qui le rend intéressant (et si vous ne le trouvez pas intéressant, abstenez-vous de la dire car c’est à vous de rendre le sujet intéressant pour le lecteur : c’est l’exercice de la dissertation).

• Problématiser, c’est montrer le caractère paradoxal du sujet, faire apparaître un « problème » là où on n’en voit pas à première vue. Problématiser, c’est l’objectif de la philosophie : montrer que des choses apparemment évidentes recouvrent en fait quantité de problèmes.

• Pour élaborer une problématique, vous devez vous poser les questions suivantes :
1. Quel est le préjugé visé par le sujet ?
2. Comment critiquer ce préjugé ?
3. Y a-t-il moyen d’aller plus loin que cette simple critique (et de la critiquer à son tour) ?
Et vous avez votre plan ! C’est pourquoi il est si important d’identifier le paradoxe du sujet : tout se construit ensuite à partir de lui.

• La problématique, c’est la manière dont va être traité le sujet, le problème posé et la recherche de la solution. C’est donc l’objectif que vous vous fixez, ce que vous vous proposez de démontrer au terme de votre dissertation.

• Attention : ne pas confondre la « question » posée par le sujet (avec le point d’interrogation), et le « problème » qui lui est sous-jacent (qui n’est pas forcément énoncé sous forme de question). Ce serait comme confondre la question « Comment aller à Paris ? » et la liste des obstacles que l’on peut rencontrer sur la route.

• Dans une problématisation, tous les aspects de la définition du concept ne sont pas d’égale importance : c’est à vous de choisir ce qui est important pour mettre en valeur le sujet que vous traitez.


2. Le travail de définition.

• La valeur d’une copie repose en partie sur votre capacité à expliquer les définitions des notions sur lesquelles vous travaillez. Souvent, la sujet prend la forme d’une question (ex : le silence ne dit-il rien ?). Vous avez parfois tendance à chercher à répondre directement à la question sans expliquer les notions qu’impliquent le sujet. Vous faites alors une liste d’arguments dans un sens, puis une autre liste dans l’autre sens, sans voir qu’une même notion peut avoir plusieurs définitions. Pour pouvoir répondre à la question posée, vous devez vous demander quel est le sens des notions utilisées, et ne pas faire comme si c’était une évidence.

• Répondre sans réfléchir aux arguments amène à mélanger les arguments et à ne pas véritablement les justifier. En revanche, si vous partez de définitions explicites, le correcteur sait sur quoi s’appuient les réponses.

• Attention : il ne suffit pas de recopier les définitions du dictionnaire dans l’introduction ou dans la première partie, et ne plus s’en servir par la suite. Si vous posez ces définitions, c’est pour vous en servir par la suite, pour les questionner, pour voir s’il n’y en a pas d’autres possibles qui mènent à d’autres réponses possibles.

• On peut dire qu’une dissertation procède par hypothèses successives :
1. 1ère partie : 1ère hypothèse de réponse au sujet à partir d’une 1ère définition des notions.
2. 2ème partie : 2ème hypothèse de réponse à partir d’une définition obtenue par remise en question de la première.
3. 3ème partie : tentative de réponse à la question à partir d’une définition qui se veut plus complète, plus compréhensive des notions du sujet.

• Le but de la dissertation est de parvenir à une définition plus unitaire, moins parcellaire ou caricaturale que les définitions proposées dans les premières parties. Vous n’apportez pas LA réponse au sujet et LA définition des notions concernées mais – et c’est déjà bien – vous avez apporté des arguments qui rendent les objections plus difficiles (mais pas impossibles !).

3. Les références et les citations.

• Un des critères d’évaluation est votre capacité à utiliser des références philosophiques (citations, exemples) en les intégrant dans votre propre raisonnement.

• L’utilisation d’un exemple pour illustrer une thèse n’est pas là pour « faire beau » : le but est de prouver ou de justifier la thèse que vous défendez.

• La référence à un auteur n’a d’intérêt que si vous l’expliquez.

• Les références ne sont pas des obligations, mais c’est l’occasion de montrer que vous savez des choses et que vous êtes capables de les réutiliser pour votre propre réflexion.

• Attention :
1. Ne pas citer un auteur comme vérité sans aller plus loin (ex : Aristote l’a dit, donc c’est vrai).
2. Laisser une citation sans explication comme si tout était clair.
3. Accumuler une série de citations plus ou moins équivalentes : ça fait catalogue.
4. Faire tout ça à la fois…

• L’exemple décrit une situation concrète : c’est à vous d’élaborer une justification, une interprétation en fonction du sens que vous voulez donner à l’exemple. Car l’exemple ne prouve pas la valeur universelle de la thèse qu’il illustre. C’est votre dissertation qui va examiner s’il n’existe pas des contre-exemples. La dissertation est donc une recherche d’exemples et de contre-exemples.

• Vous pouvez prendre un auteur comme représentant d’une certaine thèse philosophique. Mais ne faites pas parler l’auteur à votre place. Il faut examiner, à travers l’exposé de sa pensée, une certaine possibilité philosophique. Pour schématiser, vous pouvez construire votre dissertation avec un auteur par partie. Votre dissertation serait alors comme trois petits commentaires de textes (s’il y a trois parties) mis bout à bout et articulés autour d’une problématique commune.

• Références et exemples n’ont de sens que s’ils sont expliqués : il faut expliquer leur sens et préciser au correcteur ce qu’ils apportent à votre raisonnement. Ce n’est pas du « copier-coller » mais une réflexion.

• Comment introduire un exemple :
1. Introduction de la citation : résumé de ce qui précède et du problème auquel vous êtes arrivés.
2. 1ère citation : résumé du problème.
3. Reprise des termes de la citation pour faire progresser l’analyse.
4. 2ème citation : résolution du problème par l’auteur.
5. Analyse des termes de la citation.
6. Conclusion : résolution personnelle du problème.


4. La structure et le plan.

• Autre critère d’évaluation important : votre capacité à construire un plan. Vous devez avoir des idées, mais surtout savoir les ordonner, créer une dynamique de la pensée, qui expose les termes d’un problème et permet d’arriver à une proposition de solution.

• Structure générale d’une dissertation :
1. Position d’un problème (introduction).
2. Hypothèse de réponse (1ère partie).
3. Examen des limites de la 1ère hypothèse et proposition d’une 2ème hypothèse (2ème partie).
4. Tentative de résolution de la contradiction entre la 1ère et la 2ème hypothèse par proposition d’une 3ème hypothèse (3ème partie).

• Attention à la formule thèse-anti-thèse-synthèse : vous ne proposez pas une thèse (affirmation qui se donne pour vraie) mais une hypothèse (supposition de réponse possible). Il ne s’agit pas de démontrer une chose et son contraire (c’est-à-dire se contredire), mais d’examiner des argumentations contradictoires (faire progresser votre réflexion sur un problème en essayant d’atteindre une solution).

• La 3ème partie n’est pas un compromis de la 1ère et de la 2ème partie : elle consiste à proposer une solution au problème posé dans l’introduction qui n’a pas bien été résolu par les deux premières parties.


5. L’introduction.

• Introduire un sujet, c’est montrer l’intérêt du sujet, c’est-à-dire comprendre pourquoi il pose problème, et voir quel va être le cheminement pour traiter et tenter de résoudre ce problème.

• Plan d’introduction :
1. Doxa : opinion commune, courante, facile à admettre en ce qui concerne le sujet.
Par définition… ou D’après l’opinion commune… ou On a coutume de dire que.. + énoncé de la doxa
2. Paradoxe avec l’intitulé exact du sujet entre guillemets. C’est ce qui rend le sujet problématique. Introduire un sujet, c’est montrer au correcteur que le sujet sort de l’ordinaire.
La question [intitulé du sujet] peut donc paraître paradoxale puisqu’elle laisse entendre que… [quelque chose de contraire à la doxa]
3. Justification du sujet : contre-paradoxe montrant que le sujet n’est pas aussi illogique qu’il paraît.
Toutefois, cette question est justifiée puisque… [contre-paradoxe = justification du sujet]
4. Annonce du plan et de la problématique : le plan reprend les éléments que vous venez de mettre en évidence. La problématique est donc la manière dont vous allez résoudre le problème (ou paradoxe).
Nous verrons dans un premier temps…[élaboration de la doxa] Puis, dans un second temps… [élaboration du paradoxe] Enfin, dans une dernière partie…[énoncé de la manière dont vous comptez résoudre le problème]


6. La conclusion.

• La conclusion de la dissertation sert à rappeler que la solution apportée en troisième partie n’est pas « la » vérité finale, mais une thèse qui peut donner lieu à de nouvelles problématisations (qu’il appartiendrait à une autre dissertation de traiter).

• Il faut répéter ce qui est nécessaire pour introduire un nouveau problème.


7. Conseils de méthode le jour de l’épreuve (4 heures).

• Le choix du sujet (10 à 15 minutes) : ne vous précipitez pas sur le sujet qui vous semble le plus facile, c’est peut-être une erreur. Lisez attentivement les trois sujets proposés et essayez d’imaginer les développements que vous pourriez faire par la suite.

• Recherche des idées en vrac (20 minutes) : notez sur un brouillon tout ce qui vous vient à l’esprit (idées personnelles, références possibles à des auteurs ou à des textes, souvenirs littéraires, emprunts à l’histoire ou à l’actualité, exemples, etc.).

• Elaboration du plan (40 à 45 minutes) : il faut maintenant mettre les idées en ordre. Vous devez avoir à l’esprit l’idée directrice du sujet et la formuler clairement, et parvenir à « classer » vos idées, exemples, etc. pris en note dans les différentes parties et sous-parties. Vous devez également penser aux transitions qui permettront de passer d’un argument au suivant. Ne jamais bâcler un plan.

• Rédaction de l’introduction (10 minutes) : cf. plus haut.

• Rédaction du reste de la copie (2 heures et demie) : vous devez avoir le plan sous les yeux. Il s’agit maintenant de formuler et d’expliciter vos idées et arguments. Formulez clairement, évitez le jargon inutile et le style trop familier. Pas de généralités (de tous temps… les philosophes… on pense que… les hommes… l’humanité…).

• Relecture (10 minutes) : une copie avec le moins de fautes d’orthographe et de grammaire donne une bien meilleure impression au correcteur.

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