mardi 5 mai 2009

La religion

Repères conceptuels

Transcendant / Immanent
Transcendant signifie qui dépasse. Lorsque l’on parle d’un Dieu transcendant, on évoque un Dieu créateur distinct de sa création, au-delà de ce monde sensible. Il s’agit alors d’un être suprasensible qui échappe à la spatialité et à la temporalité. A l’opposé, l’immanent signifie ce qui est intérieur à. Le panthéisme, doctrine où Dieu est identifié à la nature, au monde, affirme l’immanence de Dieu.

Croire / Savoir
La croyance est subjective et relève du sentiment. Elle s’oppose au savoir qui est objectif et rationnel. D’un côté, la foi ; de l’autre, la raison. Cependant, les rapports entre croyance et savoir sont plus complexes qu’il n’y paraît d’emblée. En effet, si la croyance peut, parfois, être totalement irrationnelle et s’imposer de manière démagogique, sans jamais faire appel à la capacité de réflexion, tel n’est pas toujours le cas. La croyance peut aussi, bien qu’elle se rapporte à ce qui est encore inconnu ou à ce qui est inconnaissable, être en accord avec le savoir existant. On peut, par exemple, croire en Dieu, tout en acceptant les théories scientifiques existantes.

Si la croyance ne contredit pas toujours le savoir, il convient de souligner qu’il n’y a pas de savoir sans croyance. Ainsi, les mathématiques reposent sur des propositions indémontrables et sont, par conséquent, impuissantes à se fonder : la raison est ici suspendue au sentiment que nous pouvons avoir de la vérité des postulats. Certes, on peut toujours, comme le mathématicien moderne, ne plus se préoccuper de la vérité des postulats et se contenter de les poser, reste que le raisonnement mathématique obéit à des principes (celui de non-contradiction) qui ne peuvent être démontrés puisqu’ils sont engagés dans toute démonstration. De même, les sciences physiques ne peuvent élaborer des lois qu’en supposant qu’il y a un ordre dans la nature, autrement dit que les répétitions, les similitudes observées ne sont pas le simple fait d’une série de coïncidences. La croyance est donc au cœur même du savoir.

Si la science peut condamner toute forme de croyance incompatible avec ses exigences (les superstitions par exemple), elle ne peut qu’autoriser des croyances qu’elle ne saurait ni justifier ni réfuter. Quant aux religions, peuvent-elles se dispenser du savoir scientifique et refuser d’évoluer, si elles veulent rester vivaces ? On peut ainsi songer au père Teilhard de Chardin (1881-1955, jésuite, chercheur, théologien et philosophe français) qui, prenant conscience du danger qui résulte de la coupure entre la science et la foi, a tenté de concilier la théorie de l’évolution avec l’idée de la création du monde et de l’homme par Dieu. Il a été ainsi amené à rejeter le mythe de la création en six jours, et à adopter l’idée d’une « cosmogénèse », c’est-à-dire d’une création continue, qui ne cesse de se produire. Apparu, de son vivant, comme un fondateur d’hérésie, il est aujourd’hui réhabilité par le Vatican.

Dans la Critique de la raison pure, Kant (Emmanuel Kant, philosophe allemand, 1724-1804) établit les distinctions suivantes : « L’opinion est une croyance qui a conscience d’être insuffisante aussi bien subjectivement qu’objectivement. Si la croyance n’est que subjectivement suffisante, et si elle est en même temps tenue pour objectivement insuffisante, elle s’appelle foi. Enfin, la croyance suffisante aussi bien subjectivement qu’objectivement s’appelle science ; la suffisance subjective s’appelle conviction (pour moi-même), et la suffisance objective, certitude (pour tout le monde). »


Définition, problématisation.
Une analyse philosophique de la religion doit considérer la religion comme un fait, et l’analyser comme tel. C’est la récurrence de ce fait religieux (il a existé, il existe et il existera quantité de religions) que nous allons appréhender. Le contexte judéo-chrétien dans lequel nous évoluons (il est parfois tentant de considérer que religion, christianisme et monothéisme sont synonymes) dissimule quelque peu la profusion des religions humaines. Profusion si vaste que la notion de religion elle-même voit son sens menacé. Parler de « la » religion, c’est supposer qu’il existe au-delà de cette variété un facteur d’unité, quelque chose qui soit commun à toutes les religions. Il ne s’agit pas de prendre telle ou telle religion donnée comme norme ou comme modèle.
Question : Les religions sont-elles irréductiblement multiples, ou au contraire existe-t-il des critères qui permette d’unifier la notion de religion ?

L’étymologie suggère une première voie : le verbe religere, qui signifie recueillir, réfléchir, renvoie la religion à la vie intérieure, et la caractérise par l’attitude religieuse, c’est-à-dire la foi. Or la notion de foi est elle-même ambiguë dans son rapport à son objet.
Question : La foi est-elle rationnelle, rationalisable, ou irrationnelle ?

En tant qu’elles ont partie liée avec la notion de transcendance, les religions offrent souvent des réponses à toutes les questions qu’on appelle « métaphysiques » : d’où venons-nous, pourquoi mourir, etc.
Question : Les religions sont-elles alors transcendance ou immanence ?


1. De Dieu.
La religion unit les hommes dans un système de croyances (dogmes) et de pratiques (rites) relatifs au sentiment du sacré, unissant en une même communauté tous ceux qui y adhèrent, et les assujettissant à plus haut qu’eux. Le sentiment du sacré représente à la fois la crainte devant la puissance infinie de Dieu, le mystère de son inconcevabilité, et le pouvoir fascinant propre à tout objet ou symbole religieux. L’idée religieuse est donc étroitement liée à la notion de surnaturel.

Rousseau (Jean-Jacques Rousseau, philosophe suisse, 1712-1778) oppose la religion naturelle et la religion historique. Il considère que la vraie religion n’est pas celle des Eglises, du culte (religion historique). C’est celle de la présence de Dieu en nous et dans le monde (religion naturelle). Elle relève de l’intériorité de la conscience. On n’est pas chrétien par le dogme, mais par la sensibilité et la raison, par la conscience. Mais cette religion naturelle est ce que les penseurs du XVIIIe siècle laissent subsister de la religion après leur critique de tous les cultes établis. En fait, toutes les grandes religions modernes se veulent issues d’une révélation surnaturelle.

La religion est essentiellement l’affirmation d’un Absolu qui nous dépasse, d’une Transcendance. L’homme ne s’est pas donné lui-même l’existence. Il évolue au milieu de forces qui le dépassent infiniment et dont l’invincible puissance lui inspire spontanément des sentiments mêlés d’effroi et de vénération. Comme le disait le théologien allemand Friedrich Schleiermacher (1768-1834), « la religion consiste dans le sentiment absolu de notre dépendance ».


A. Le Dieu des philosophes.
Le Dieu des philosophes est une figure non-religieuse du divin, à ne pas confondre avec le Dieu des religions. Descartes (René Descartes, philosophe, mathématicien et physicien français, 1596-1650), par exemple, prouve l’existence de Dieu par l’idée de perfection qui est en nous et dont seul Dieu peut être la cause. Mais ce Dieu de Descartes n’est pas le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Dieu peut donc être autre chose qu’un objet de croyance et de foi.
La foi n’a pas besoin de preuves. S’opposant à Descartes, Pascal (Blaise Pascal, philosophe, mathématicien, physicien et théologien français, 1623-1662) affirme ainsi que toutes les preuves de l’existence de Dieu ne valent même pas qu’on y consacre une heure. La foi est supérieure à la raison. Rien n’est plus contraire à la foi que de refuser de croire ce que la raison ne peut atteindre. Quant à Kant (Emmanuel Kant, philosophe allemand, 1724-1804), il montre l’impossibilité de prouver l’existence de Dieu et de prouver sa non-existence, mettant ainsi la foi à l’abri de toutes spéculations rationnelles.

Enfin pour Kierkegaard (philosophe existentialiste danois, 1813-1855), l’expérience religieuse est une expérience d’ordre existentiel qui est absolument étrangère à la raison et irréductible aux concepts. Lorsque Abraham est prêt à sacrifier son fils pour obéir aux ordres de Dieu, cet acte n’est justifié par aucune raison. Au point de vue moral, ce sacrifice est même inacceptable. Dans un premier temps, Abraham doute et tremble d’angoisse pour son fils, mais il se résigne car il aime et craint Dieu plus que tout. Mais en même temps, Abraham a confiance et sait qu’Isaac ne sera pas sacrifié, qu’il lui sera rendu. Ainsi le paradoxe de la foi s’exprime bien au-delà de la raison : « Quand l’espérance devient absurde, Abraham crut. »


B. Le Dieu sensible au cœur, le Dieu en image.
Selon Pascal, ce Dieu intelligible dont parle Descartes, n’est pas religieux. Au contraire, notre rapport à Dieu n’est religieux que dans la mesure de l’absence de Dieu, de sa non manifestation. Le Dieu de Pascal est un Dieu de l’inquiétude, parcimonieux dans ses manifestations à des hommes qui ne Le méritent pas. La présence de Dieu est donc incertaine.
C’est à partir de cette incertitude que Pascal a défini la foi sur le modèle d’un pari inévitable : « il faut parier. Cela n’est pas volontaire : vous êtes embarqué » (Pascal, Pensées, 77, GF-Flammarion, 1976, p. 72.) La raison n’est alors pas en position de décider de l’existence de Dieu, ce n’est donc pas à elle que Dieu s’adresse, mais au cœur. Chez Pascal, le cœur est cette intériorité que seul Dieu peut sonder, intériorité qui est aussi, en l’homme, l’amont de toute raison.
Ainsi la religion n’a de sens qu’en tant qu’elle s’adresse au cœur, et perd tout signification quand elle tombe dans la recherche de preuves. Mais pour le croyant, la religion, à défaut d’être rationnelle, doit au moins être raisonnable. Car elle doit le soutenir dans sa foi.

Rousseau, quant à lui, définit un Dieu sensible au cœur afin de dénoncer les doctrines religieuses. Il récuse l’idée de révélation, au sens où nous devrions attendre d’une église une confirmation de ce que nous ressentons. Dans sa religion naturelle, Rousseau affirme son déisme, c’est-à-dire l’existence de Dieu comprise en dehors des controverses théologiques.
La religion naturelle postule donc que la représentation qu’on se fera de Dieu sera d’autant plus véridique qu’on ressentira, comme de façon innée, sa présence immanente dans la nature humaine. Mais le refus des doctrines constituées et de la révélation peut aussi revêtir un sens tout autre, comme dans ces religions dans lesquelles Dieu n’est pas représentable ou nommable (la religion juive, les religions évangélistes). Il s’agit dans ce cas de ne pas désacraliser Dieu en le représentant à partir de traits humains.

Pour Marx (Karl Marx, philosophe et économiste allemand, 1818-1883), la religion n’est rien d’autre que la production d’une abstraction à taille humaine : « le monde religieux n’est que le reflet du monde réel » (Marx, Le Capital, I, I, I, Champs-Flammarion, 1985, p. 74.). Dans un article des Annales franco-allemandes, Marx écrit : « La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. » C’est parce que l’homme est aliéné économiquement, exploité socialement, qu’il réalise de manière fantastique son essence dans un monde imaginaire. Humaniser Dieu reviendrait donc à s’aliéner dans une transcendance qui magnifie l’humain en même temps qu’il l’humilie. Comme le disait Nietzsche (Friedrich Nietzsche, philosophe allemand, 1844-1900), ce n’est peut-être pas « la peur seule » qui a créé les dieux, mais aussi paradoxalement la puissance (Nietzsche, La volonté de puissance, tome 1, § 322 et 328, Gallimard, Tel, 1995, pp. 154-157.).

La transcendance est donc au centre de la problématique religieuse. Ainsi, la présence familière des dieux (les dieux grecs), sans tension et sans transcendance, mériterait moins le nom de religion que la transcendance induite par un Dieu qui resterait radicalement absent (les dieux des religions monothéistes).


C. Une société devenue profane.
Dans L’Essence du christianisme, Feuerbach (Ludwig Andreas Feuerbach, philosophe allemand, 1804-1872) nous dit le caractère profane de la société. Depuis le triomphe de la bourgeoisie, la religion du travail et de l’argent s’est substituée au sentiment du sacré dans lequel s’enracine toute religion. « Le christianisme est nié dans l’esprit et le cœur, dans la science et la vie, dans l’art et l’industrie, radicalement, sans appel ni retour. » « L’incroyance a remplacé la foi, la raison la Bible, la politique la religion et l’Eglise, la terre a remplacé le ciel, le travail la prière, la misère matérielle l’enfer, l’homme a remplacé le chrétien. »
Si dans la pratique, l’homme a remplacé le chrétien, il faut que dans la théorie l’être humain remplace l’être divin. Ce qui signifie que la philosophie doit cesser d’être « théologie » pour devenir « anthropologie ». Autrement dit, elle doit s’occuper de l’homme et non de Dieu.

Pour Feuerbach, la tâche de la philosophie est de faire reconnaître à l’homme sa propre essence au lieu qu’il l’adore en un autre être nommé Dieu. Il y a du divin, car le savoir ou l’amour sont des choses divines, mais il n’y a pas de Dieu. Il peut donc exister une religion sans Dieu. Feuerbach n’est donc pas un véritable athée, il se propose seulement de substituer à la religion de Dieu celle de l’homme.


2. La foi : entre confiance et raison.
La relation à l’objet ne peut être que de l’ordre de la foi, car le Dieu des philosophes ne peut être religieux. Est-ce à dire pour autant que la foi religieuse se passe de toute raison ? La foi religieuse se retrouve alors prise au piège : si elle est raisonnable, elle court le risque de ne devenir qu’une étape de la rationalité, mais si elle est irrationnelle, elle risque de perdre tout fondement et de glisser vers la crédulité. C’est entre ces deux risques qu’il faut tenter de penser la foi.


La foi, croyance ou confiance ?
La foi se présente comme une épreuve de solitude : en faisant le pari de prouver l’existence de son objet (Dieu), elle se condamne à une relation exclusive (entre Dieu et le croyant) et ingrate (Dieu ne parle pas). Lorsqu’elle devient trop insupportable, la foi recherche d’autres fois qui lui ressemblent ou qui la garantissent. Elle admet alors un intermédiaire, la foi de l’autre, moins loin de Dieu que je ne le suis. C’est ainsi que le prophète ou l’apôtre accomplissent cette fonction d’intermédiaires.
C’est là qu’apparaît un certain paradoxe de la foi : elle veut se présenter comme un rapport direct à son objet, une communication transparente et exclusive avec Dieu, alors que dans le même temps, la religion a besoin d’un intermédiaire dans sa relation à Dieu. Cette caution est celle du témoin. Ainsi, les apôtres sont les premiers témoins qui portent la parole. Ils mettent en place la structure ternaire qu’est celle de la foi : le croyant, Dieu et le témoin.

L’objet de la foi est alors déplacé : ce que je crois, ce n’est plus Dieu, mais celui qui me dit de le croire. Dieu ne daignant jamais me garantir son existence, le premier témoin doit le faire à sa place, et la croyance qui s’en remet à ce témoin devient confiance. De croyance, la foi se mue en confiance, et la relation n’est plus celle d’un sujet à son objet (du croyant à Dieu), mais de sujet à sujet (du croyant au prêtre ou rabbin ou imam).


La foi et les limites de la raison.
La foi peut malgré tout procéder rationnellement, c’est le postulat de Kant dans la Religion dans les limites de la simple raison. Kant admet que Dieu ne peut être démontré, mais postule que l’inaccessibilité de Dieu à la raison théorique ne rend pas la religion irrationnelle. Car il est moralement nécessaire d’admettre l’existence de Dieu, et cette certitude morale se distingue de la certitude logique.

Le fait que l’existence de Dieu ne soit que possible pour Kant ne disqualifie pas cette existence, car ce n’est pas parce que l’existence d’une chose ne peut pas être prouvée que cette chose n’existe pas. La raison échoue ainsi à se retrouver dans la foi : la foi n’est pas irrationnelle au sens où elle s’oppose à la raison, mais elle l’est dans le sens où elle ne s’y laisse réduire en aucune manière.


La foi et la limite de la religion.
La confiance dénature donc la foi car, quand le lien religieux ne relie plus l’humain au divin mais l’humain à l’humain, c’est ce dernier qui est divinisé. Quand l’essentiel de l’activité d’une religion réside dans le prosélytisme, la limite entre religion et secte est plus floue. Lorsqu’un témoin est divinisé, il devient gourou, et la religion devient alors secte. La croyance n’est plus religieuse quand elle se réduit à la confiance.

Durkheim (Emile Durkheim, sociologue et anthropologue français, 1858-1917) a interprété la foi religieuse comme une synthèse : les représentations individuelles s’agrègent en une croyance collective, en même temps qu’elles apparaissent comme un effet de la croyance collective.
Mais la foi n’est pas que construction, elle a besoin de fait, ce qui la rend irréductible à la seule confiance. Jankélévitch appelle cela la « foi initiale », cette part de la foi qui résiste à toute réduction à la confiance, ce donné initial qui est de l’ordre du fait.


3. La religion : entre le sacré et le divin.
A. La mort de Dieu.

Nietzsche provoque lorsqu’il affirme que « le plus grand des événements récents – la « mort de Dieu », le fait, autrement dit, que la foi dans le dieu chrétien a été dépouillée de sa plausibilité – commence déjà à jeter ses premières ombres sur l’Europe » (Nietzsche, Le Gai Savoir, § 343, Gallimard, Folio Essais, 1950, p. 278.). La question est de savoir de quoi la mort de Dieu peut-elle être la mort, de quoi Dieu est la métaphore.
Chez Nietzsche, « Dieu est le nom pour le domaine des Idées et des Idéaux […] Ainsi le mot « Dieu est mort » signifie : le monde suprasensible est sans pouvoir efficient. » (Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part, Gallimard, Tell, 1962, p. 261.) Ce que reproche Nietzsche à la religion, c’est d’avoir utilisé Dieu comme métaphore d’un référent idéal. « Dieu est mort », c’est d’abord un fait, une évidence. Tant que valait le christianisme, l’homme savait pourquoi il était là, il pouvait donner un sens à sa souffrance, combler le vide. Mais la mort de Dieu, ce n’est pas seulement la mort du Dieu chrétien et moral, mais de tous les Dieux. Cet événement est énorme car il ouvre une nouvelle phase de l’histoire de l’homme, celle du « surhomme ».


Tout comme Nietzsche, Freud (Sigmund Freud, psychanalyste autrichien, 1856-1939) dénonce l’appropriation du moral par le religieux : il doit pouvoir être interdit de tuer pour une autre raison qu’une raison religieuse, faute de quoi la crise de la foi sera la crise de la morale.
Mais aussi dangereux que soit l’identification de la morale à la religion, n’y a-t-il pas quelque chose de religieux dans toute institution culturelle morale, même athée, qui cherche à poser des repères moraux transcendants ? Dieu serait alors la métaphore d’un référent moral dont la nécessité s’impose bien au-delà de la religion.


B. La névrose de la contrainte.
Modalité d’une recherche de repères, le fait religieux peut être compris en termes de peur du réel et de la vie, mais aussi de nous-même. Ainsi, Nietzsche décrit la psychologie religieuse comme une aliénation : « la sensation de puissance qui submerge l’homme d’une force soudaine et irrésistible (et c’est le cas de toutes les grandes passions) le fait douter de sa propre personnalité ; il n’ose se croire la cause de ce sentiment surprenant, et il postule une personnalité plus forte que lui, un Dieu. » (Nietzsche, La volonté de puissance, tome I, §323, Gallimard, Tell, 1995, p. 155.)
On a souvent dit que Nietzsche était un destructeur. Mais qu’a-t-il détruit, sinon ce que la société bourgeoise avec sa vision positiviste (seules valent les sciences de fait, les sciences positives), pragmatique (seuls comptent la rentabilité, le profit) a déjà détruit. La mort de Dieu, la destruction de la morale est déjà une réalité.

Pour Freud, la religion est un « trésor de représentations, nées du besoin de rendre supportable le désaide humain » (Freud, L’avenir d’un illusion, PUF, Quadrige, 1995, p. 40.) Le désaide n’est autre que la solitude. Cette illusion religieuse décrite par Freud, relève d’un investissement psychologique : la religion exprime ce que nous voudrions voir être vrai.
Pour finir, Freud définit la religion comme une névrose, c’est-à-dire comme l’expression d’un conflit intérieur, un compromis entre nos désirs inconscients et nos aspirations conscientes.


C. Le profane et le sacré.
Ce n’est donc pas la croyance en un Dieu qui définit la religion dans son essence, mais c’est l’attitude religieuse. Cette alternative est bien résumée dans la phrase fameuse de Malraux (André Malraux, écrivain, aventurier et homme politique français, 1901-1976) : « le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas ».

Une autre structure du religieux que celle de la foi et du divin se présente alors : celle de l’ici-bas et de l’au-delà. Serait alors religieux ce qui suppose une distinction radicale entre l’ici-bas et l’au-delà. Cette distinction est éclairée par l’opposition faite entre profane et sacré, qui dépasse la notion de divin. Le profane et le sacré ouvrent la voie aux racines de la peur et de l’idéalisation, sources de la religion.

2 commentaires:

Alain COCARIX a dit…

Merci pour votre site et vos articles !


blog :
«Les Aventures d'Ora et Gad» au pays
du point Oméga de Pierre Teilhard de Chardin (jésuite, chercheur, théologien,
paléontologue et philosophe français).

Il s'agit d'un voyage encyclopédique,
du passé vers le futur,
qui permet à l’esprit de voguer
sur des voies inédites.

De la façade bariolée et rideau déchiré
de l'ancien temple d'Hérode, édifié sur
l'emplacement du temple de Salomon,
au royaume de l'Édifice de la Science.

Une histoire de bout en bout innovante,
au-delà de l'Extrême Contemporain,
qui émerge du limbe des enfants d'internet,
au coup de partance pour le devenir historique.

Freund a dit…

Des passages entiers de mon livre "philobac pour les nuls ont été recopiés dans ce cours amalgame de divers emprunts sur la religion. La justice va être saisie